De suite, Ivo Livi devint Yves Montand en souvenir de sa mère qui, lorsqu’il jouait dans la rue, l’appelait par la fenêtre : « Ivo! Monta! ».Et pour monter, il allait le faire !
En 1939, sa première grande scène à l’Alcazar de Marseille avec une première chanson originale, Dans les plaines du Far West, lui rapporta tous les suffrages. La guerre mit un frein à ce succès plus que prometteur, avec lequel il renoua dès 1941 avant de débarquer à Paris pour échapper au STO (1944).
Sa carrière semblait lancée quand une rencontre déterminante l'accéléra. Edith Piaf l’accepta en première partie de son spectacle au Moulin Rouge. Coup de foudre entre les deux personnages. Grâce à elle, il apprit à donner du corps à son personnage et à soigner le moindre détail de ses prestations. Tournées en commun, passages en vedette avec Battling Joe et Les Grands Boulevards », premiers enregistrements, et premiers pas au cinéma avant qu’Edith ne mette fin à leur liaison. Rien ni personne n’arrêterait l’ascension de son jeune poulain qui sut s’entourer de paroliers, de compositeurs et de musiciens aux talents éprouvés capables de servir le sien. Les triomphes succédèrent aux succès.
Remarquable one-man show, méditerranéen jusqu’au bout des ongles, irrésistible séducteur, il eut des femmes, beaucoup de femmes, et pourtant le couple qu’il forma avec Simone Signoret reste un modèle du genre, un « French paradoxe » comme diraient les Américains.
Homme orchestre à sa façon, avec un rare bonheur, il réussit à marier la chanson et le cinéma qui, le temps passant, devint sa priorité. Si l’acteur n’emporta pas toujours l’adhésion à ses débuts, et si sa tentative américaine fut par la suite un échec, Le Salaire de la peur (1953) de Clouzot ne laissait aucun doute sur son potentiel qui s’imposa à partir de la fin des années 60.
Sincère, mais maladroit, il s’était toujours voulu engagé -d’abord dans le communisme puis dans le libéralisme tout azimut- il fut très à l’aise dans les œuvres de Costa-Gavras : Compartiment tueurs
(1965) ; Z (1969) ; L’Aveu (1970) ou Section spéciale (1975).
En vieillissant et en prenant de l’autorité, il composa aussi bien dans le drame, la comédie que dans le polar avec des films aux succès incontestés : Le Cercle rouge (1970) ; La Folie des grandeurs (1971) ; Le Sauvage (1975) ; Police Python 357 (1976) ; I... comme Icare (1979) ; Le choix des armes (1981) ; Tout feu, tout flamme (1982) ; etc.
Sa rencontre avec Claude Sautet lui permit d'apposer une empreinte supplémentaire : César et Rosalie (1972) ; Vincent, François, Paul... et les autres (1974) et Garçon (1983).
Après sa prestation du Papet dans Jean de Florette et Manon des sources (1986) de Claude Berri, il tourna encore quatre longs métrages, dont le dernier, IP5, sortit après sa mort brutale due à un infarctus et intervenue à la fin du tournage. Le retour sur scène qu’il ambitionnait ne se fit pas.
Inhumé au cimetière du Père-Lachaise aux côtés de Simone Signoret, la cérémonie, comme pour l’actrice, fut dépouillée à l’extrême : ni de musique, ni éloges. Avant la foule des anonymes, celle des personnalités - hommes politiques, acteurs chanteurs-, et la famille, déposèrent en silence une rose sur le cercueil exposé. Depuis, la tombe du couple fait partie des plus visitées.
Le même visiteur ignore que dans une autre division repose son frère, Julien Livi.