Virtuose de l’expression, laideur intelligente ou sympathique, bonté ou naïveté, laideur grotesque ou inquiétante, cocasse ou stupide, malicieuse ou cruelle, il était capable de tout. Grâce au «parlant », on découvrit que l'élocution et le timbre de sa voix étaient aussi originaux que son physique et son jeu.
Ses premières apparitions n’avaient guère retenu l’attention jusqu’à, notamment, Boudu sauvé des eaux (1932) où, clochard arraché à la noyade passant son temps à semer le trouble dans la famille convenable qui l’a recueilli, il crevait l’écran. Tout comme le père Jules dans l’Atalante (1934).
Mais en dehors de ces chefs-d’œuvre, et de quelques uns à venir, il faut bien admettre qu’il tourna aussi des navets qu’il sauva par sa seule présence. Remarqué par Marcel Carné, qui lui confia deux grands rôles dans Drôle de drame (1937) et Quai des brumes (1938), on n’oubliera pas pour autant ses prestations dans Les Disparus de Saint-Agil (1938), La Poison (1951) sous la dilection de Sacha Guitry, son humanité dans le rôle d’un grognard dans Austerlitz (1960) d’Abel Gance, Le vieil homme et l’enfant (1966) de Claude Berri, etc. Il travailla avec les plus grands metteurs en scène français, et tous ont dit leur admiration pour son génie.
Extravagant dans sa vie privée, fabuleux érotomane, méprisant les artistes se disant engagés, pleurant parfois misère alors qu’il était riche, il vécut longtemps à Noisy-le-Grand au milieu de ses animaux (singes, oiseaux, chats, chiens).
Jean Cocteau disait de lui : « Je ne sache pas qu’aucune gloire contemporaine du film puisse vous donner cette somme de réalisme et de songe. Comment fait-il ? Car cet artiste qui pose des énigmes est une énigme lui-même, et j’estime que sa grandeur vient de ce que ni lui ni aucun autre ne peut la résoudre ».
Par principe, je n’alimente jamais les articles d’anecdotes personnelles, mais c'est le jour de l'entorse. Jeune étudiante, peut-être un ou deux ans avant sa mort, il était assis là, sur un banc, vêtu d’improbables défroques, la mine négligée. Sans doute amusé par mon air aussi godiche que fasciné en le reconnaissant, il m’a invitée à m’asseoir. Je garde précieusement le souvenir ému de ces quelques minutes en sa compagnie que j'abandonnais après avoir plaqué une grosse bise sur chaque joue de cet immense personnage qui, avec beaucoup de simplicité et de gentillesse, venait d’offrir un peu de son temps à une gamine médusée. Il avait le sourire, et moi donc...
Selon ses dernières volontés, Michel Simon fut inhumé auprès de ses parents au cimetière du Grand-Lancy à Genève, sa ville natale.
Sur le frontispice du monument ornant la tombe familiale, cette locution latine : Non omnis moriar (Je ne mourrai pas entièrement).