Mais Bordeaux et sa région étant soumises aux agents de la Convention et la population terrorisée, personne ne voulut prendre le risque de les cacher. Même le père de Guadet, s’il acceptait de recevoir son fils, se refusait d’héberger ses amis plus d’une nuit. Leur présence ayant été signalée dans la contrée, le danger était devenu extrême. C’était l’époque de la grande épouvante et le petit groupe n’aurait pas tarder à être pris si, Mme Bouquey, la belle-sœur de Guadet, pleine de courage ne leur avait pas ouvert ses portes de sa maison de Saint-Emilion. Elle les cacha dans un caveau au quel menait un souterrain dont l’accès se faisait par le puits de son jardin. Terrés comme des rats, ils ne sortaient que lorsque l’alerte s’éloignait leur donnant un peu de répit.
Mais en novembre, Mme Bouquey apprit que sa famille, qui s’était fermement opposée à son action, débarquait à Saint-Emilion. Catastrophée, elle s’ingénia à trouver un refuge aux fugitifs. Pendant que Barbaroux, Buzot et Pétion s’abritaient chez un perruquier et que Valady** et Louvet quittaient la région, Salles* et Guadet retournèrent chez le père de ce dernier.
Les mois passèrent au rythme d’une sûreté précaire. On les savait quelque part, mais où ? Probablement dans les carrières, mais comment les déloger d’un endroit si vaste et aux indénombrables possibilités d’abri ? C’est alors idée qu’une germa pour débusquer ces maudits proscrits : mettre à leurs trousses la meute de dogues redoutables du boucher Marcon !
Le 17 juin 1794 au matin, Saint-Emilion fut investie par tout un bataillon armé de molosses qui bloqua toutes les issues de la ville y compris les souterrains. C’est ainsi qu’on découvrit Guadet, Salles* et les traces de la présence des fugitifs chez Mme Bouquey .
Conduit devant la commission militaire de Bordeaux, Marguerite Elie Guadet fut condamné à la guillotine avec Jean-Baptiste Salles*. Pour avoir hébergé un proscrit, son père, son frère, sa sœur, Monsieur Dupeyrat (le père de Thérèse Bouquey), Monsieur et Madame Bouquey ainsi qu’une de ses domestiques montèrent également à l’échafaud.
Quand vint le tour de Salles*, le couperet refusa de tomber. Comme le bourreau n’en trouvait pas la raison, Salles*, la tête dans la lunette la lui indiqua et le couperet tomba…
Ainsi se retrouvèrent-ils à quasi inaugurer le nouveau cimetière ouvert depuis à peine un mois en remplacement de celui de St Seurin. Leur tombe, ou fosse, a disparu.
* Jean-Baptiste Salles était né en 1759. Médecin, il avait élu député du tiers état par le bailliage de Nancy. Il fut l’un des fondateurs du club des Feuillants. Après avoir défendu des idées avancées, il avait glissé vers le modérantisme et lors du procès du roi avait voté pour la détention jusqu’à la paix. Attaquant Marat et les massacres de Septembre 1792, il avait été englobé dans la proscription frappant les Girondins.
** Jacques d'Izarn de Fraissinet de Valady (1766 – 24 décembre 1793). Après s’être séparé de ses amis, Valady tenta sa chance à Périgueux où il fut arrêté un mois plus tard. Etant officier, il ne fut pas guillotiné mais fusillé.