Un suppôt de Satan enjuponnée, complice des vices familiaux ? Victime d'auteurs à la plume davantage trempée dans le fantasme que dans la réalité historique, Lucrèce est aujourd'hui réhabilitée par la plupart des historiens. Déja, victime des amibtions paternelles et fraternelles, il était temps de lui rendre justice.
A peine élu pape, son père, le pape Alexandre VI, conclut le mariage de Lucrèce, qui n’avait que treize ans, avec le prince de Pesaro, Giovanni Sforza aussi violent et fat qu’ambitieux. Les noces furent l’occasion de fêtes fastueuses. Mais bientôt cette alliance se révélant une erreur stratégique, les Borgia, César en tête, ne s’embarrassèrent pas pour faire sentir son inutilité à l’encombrant mari. Celui-ci, connaissant l’affection excessive que portaient les frères Borgia à leur sœur ainsi que leur jalousie, s’enfuit avec d’autant plus de rapidité qu’il savait sa vie menacée.
Quand le clan Borgia demanda le divorce sous prétexte de « mariage non consommé », Sforza tenta bien de se défendre en brandissant des accusations d’inceste, mais la lutte contre le pape étant par trop inégale, le prince de Pesaro fut forcé d’accepter la rupture de son mariage.
Puis, vint le temps où Lucrèce sortit du couvent de San Sisto où elle vivait enfermée depuis la fuite de son mari. Ce fut l’époque où Lucrèce céda aux avances du jeune Perotto dont elle tomba enceinte à la plus grande fureur de César qui, pour arranger ses propres affaires, voulut lui faire épouser Alphonse d’Aragon.
Perroto fut retrouvé dans le Tibre et Lucrèce accoucha en secret d’un fils Jean, « l’infant Romain ». Le mariage avec Alphonse eut lieu. Ce fut une union heureuse jusqu’au jour funeste de son assassinat.
Pour Alexandre VI, ce fut l’opportunité de lui faire épouser, peu après, Alphonse d’Este héritier du duché de Ferrare. La beauté de Lucrèce allait éblouir son duché qu’elle gouverna en grande partie à cause des longues absences de son mari.
Alphonse d’Este, plutôt pingre, souvent éloigné de son épouse, Lucrèce reporta ses manques affectifs sur son beau-frère, François de Gonzague très proche d’elle. Protectrice des arts et des lettres, chantée par L'Arioste, elle était aussi devenue très pieuse.
Le temps lui avait infligé de cruelles blessures. Les guerres, la mort de nombreux membres de sa famille, de certains de ses enfants et l’acharnement de Jules II contre les Borgia tarirent son énergie. Ses grossesses successives avaient aussi miné sa santé. A quarante ans, Lucrèce menait sa huitième grossesse à terme mais les choses se présentaient mal. Epuisée, elle accoucha d’une petite Isabelle-Marie bien malingre qui mourut de suite. Lucrèce, atteinte de la fièvre puerpérale, sentit qu’elle arrivait au terme de sa vie terrestre. Ses souffrances, accompagnées des prières de la population, s’apaisèrent enfin.
Sa dépouille mortelle, habillée de la robe des franciscaines, rejoignit un lieu d’éternel repos qu’elle n’avait sans doute jamais atteint de son vivant.
Bon gré mal gré, les épreuves avaient rapproché Lucrèce et Alphonse d’Este. Bien que celui-ci semblât avoir été sincèrement touché par la mort de sa femme, il ne tarda pas à retrouver d’affriolantes joutes d’alcôves avant de rejoindre Lucrèce. Leur fils, Hercule II duc d’Este, épousera Renée de France, la fille du roi Louis XII.