La foule était si dense et si hostile, qu'il fallut plus d'une heure pour franchir la courte distance. Arrivé sur la place Ravaillac fut étendu et ligoté sur une claie.
Le spectacle put alors commencer. On lui brûla au soufre fondu le poing qui avait tenu le couteau ; on lui déchira les chairs à l'aide de tenailles rougies au feu. Peut-être évanoui, les gémissements du malheureux se turent. On arrosa ses plaies d'un mélange « d’huile bouillante, de la poix raisine brûlante, de la cire et du soufre fondus ensemble de cire, de soufre et de plomb fondu ». Le supplice dura une heure. Une abomination.
Bien que mort, Ravaillac n’était toujours pas démembré. Pour que la sentence soit appliquée jusqu’à son terme, le bourreau finit donc le travail. Ce fut le clou de la représentation.
On lia la dépouille aux quatre chevaux chargés de l’écarteler. En raison de l'incroyable résistance de Ravaillac, mais peut-être aussi de la lassitude des chevaux qui attendaient depuis des heures au milieu des cris déchaînés de la foule, rien ne se passa. Des gentilshommes montèrent sur les chevaux pour les stimuler, d'autres aidèrent à tirer sur les cordes…Enfin, au bout d’une demi-heure, les articulations cédèrent. Les membres disjoints furent aussitôt happés par la foule qui s'en empara, les coupèrent en morceaux avant de les brûler. Telle fut sa sépulture.
Sa maison fut démolie, sa famille exilée et un édit fut proclamé afin d'interdire à tout sujet du royaume de porter désormais son nom.
Comme souvent lors de crimes d’état, le bouc émissaire paya normalement sa dette, quant aux véritables fomentateurs, c’est une autre histoire. Jules Michelet avait peut-être raison lorsqu’il écrivait : « Sur la mort du roi, tous s’entendaient à demi-mot, ne se compromettant pas, mais laissant aller le fou. »
Malgré des théories bien étayées, aucune preuve irréfutable n’étant venue confirmer aucune d’entre elles, la vérité ne fut jamais connue.
Quels que furent les éventuels conspirateurs, l’assassinat du roi réalisa tous leurs désirs : l’armée fut licenciée, le traité avec le duc de Savoie rompu, les princes d’outre-Rhin abandonnés, Sully renvoyé.
La reine devenue régente, le parti espagnol régna, Epernon (montré du doigt comme une piste sérieuse du complot) et Concini se trouvèrent un certain temps maître du royaume et la France se retourna comme un gant !
Quant au couteau de Ravaillac, s’il atteignit son but physique, il changea les choses pour la postérité : de “tyran d’usurpation”, Henri IV devint le “bon roi Henri”…
Sources principales: Henri IV le passionné d'André Castelot - Ed. Perrin (1998) -