RETOUR IIIe REPUBLIQUE ET Première Guerre mondiale 
RETOUR LIEUX  DE SEPULTURES
Carré militaire du cimetière de Plainfaing
© Martine Mangeolle
L’Histoire ne va pas sans la Mémoire : en l’occurrence, celle de ces millions d’hommes sacrifiés qui dorment dans la terre de centaines de cimetières militaires ou communaux ou encore enfouis quelque part entre champs et forêts.
 
Effroyablement brutale, la Première Guerre mondiale précipita l’Occident dans le 20ème siècle : un nouveau monde naquit dans la douleur  et l’amertume.
En quatre ans, on estime à plus de 8 millions le nombre de tués dont 1,4 de Français, soit près de 900 hommes par jour.  Les pertes des troupes coloniales toutes confondues s’élèvent à plus de 71.000 hommes. Dans le même temps, 2 millions d’Allemands, 1,7  million de Russes, 1,5 million d’Austro-hongrois, 744.000 Britanniques, 116.000 Américains connurent le même sort tragique.
En France, le 11 novembre 1918, jour de l’armistice, un homme sur trois âgé de 18 à 27 ans était mort.
 

Une nouvelle politique pour les sépultures militaires
 
Avant la Première Guerre mondiale, sauf exception, le principe de la sépulture individuelle était  généralement réservé aux seuls chefs de guerre, hauts gradés ou, plus rare,  à un homme dont le mérite reconnu valait de le distinguer de la soldatesque jetée dans des fosses communes sur place et brûlée à la chaux quand elle n’était pas dévorée par les corbeaux et autres animaux.
Dès les premiers mois de la Grande Guerre,  ce qui n’avait pas suscité d’émotion particulière en 1870-1871 entraîna une réaction populaire tant en France qu’en Allemagne : des milliers de lettres furent adressées aux états-majors demandant le droit de récupérer les corps des défunts ou leur inhumation dans le respect de leur individualité.
Le mouvement fut d’une telle ampleur que les états-majors français et allemands prirent des dispositions dès l’automne 1914 pour empêcher les exhumations hâtives afin de permettre une identification ultérieure. C’est ainsi que fut inauguré une véritable « stratégie  de la mort », cette mort qui était partout : toutes les minutes et demie, un homme tombait.
 
Le règlement français sur le service de santé en campagne prévoyait que l’inhumation  soit effectuée par des troupes d’étape sous le contrôle d’officiers sanitaires. Mais, très vite retenus dans les ambulances  pour les soins aux blessés, ce furent les brancardiers et les camarades des morts, ou encore les prisonniers détenus par les derniers vainqueurs d’une bataille qui, sous la menace des bombardements, essayaient de rassembler  les corps dispersés et souvent déchiquetés.
Chemin des Dames : brancardier identifiant des corps
Joffre avait prescrit d’ensevelir les morts sur les lieux de combats dans des fosses pouvant contenir jusqu’à cent corps. Mais chez les Allemands la tombe individuelle était de rigueur et chez les Britanniques, une tombe ne devait pas recevoir plus de six corps tête-bêche. Faisant fi de la doctrine militaire, les Français adoptèrent cette formule : le 29 décembre 1915, une loi valida cette option en imposant de coucher au maximum dix corps les uns à côté des autres, sans les superposer, dans des lieux choisis par une commission sanitaire et un conseil départemental d’hygiène après accord de la commune concernée.
Parallèlement, on mit en place « l’état civil des champs de bataille » qui rendait obligatoire « le carnet de champ de bataille (CCB)» pour noter l’emplacement exact de la sépulture. Une plaque de plomb, portant un numéro reproduit sur le carnet, devait être fixée au cadavre afin de pouvoir l’identifier en cas d’exhumation. Malheureusement, devenues trop contraignantes dans un climat de danger constant, ces instructions furent rarement appliquées.
Extrait d’un carnet de champ de bataille https://forum.pages14-18.com/viewtopic.php?f=19&t=29171&start=0
On inhume comme on peut dans l’urgence : là, sous des barbelés.
Croix faite avec des gargousses d’obus et des cartouches de Mauser sur la tombe du capitaine Parret tué à la bataille de la Marne.
http://guy.joly1.free.fr/les-sepultures-14-18.html
Plus tard, voire beaucoup plus tard, les corps furent emmenés et inhumés dans un cimetière provisoire centralisant tous ceux tombés sur les lieux de bataille environnants.
La sinistre routine s’installant, on se mit à prévoir en creusant des fosses pour les futures victimes...
Un porte-manteau pour orner la tombe d’un soldat belge, Jean Petitjean. http://guy.joly1.free.fr/les-sepultures-14-18.html
Champ de bataille de la ferme de Guillemont (Somme) qui eut lieu en 1916. Photo de 1918.
Imperial War Museum.
Corps sans nom et noms sans corps
 
Les cadavres se comptaient par centaines de milliers. Les nouvelles armes avaient fait exploser les corps les rendant méconnaissables et qui restaient parfois très longtemps derrière les lignes ennemies. Comment les reconnaître ? Les deux plaques d’identité (l’une civile et l’autre en cas d’exhumation) attachées par des cordons de mauvaise qualité étaient souvent perdues. Fosses creusées à la va-vite, cimetières provisoires bombardés, etc., autant de facteurs qui participèrent à la disparition d’identité, d’où un grand nombre de soldats dits « inconnus » dans les nécropoles. Parfois, un objet dédicacé, une lettre, etc. pouvaient encore les sauver de cet anonymat.
 
Recueillement sur des tombes vides
 
A l’arrière, devant l’hécatombe qui paralysait, en attendant les premiers cimetières, sans tombe sur laquelle se recueillir, le mort était comme doublement absent. Marqués par des visions de cadavres anonymes, éparpillés, abandonnés, certains allèrent des années prier sur une sépulture vide mais qu’ils firent aménager « quand même ». Dans les campagnes s’organisèrent des veillées à corps absent.
 
Dès août 1914, une section du Bureau des archives du ministère de la Guerre enregistra  les avis de décès. Devant l’ampleur de la tâche, on créa en février 1916 le Bureau des renseignements aux familles, état civil et successions militaires. Mais les listes des décédés sur les champs de bataille ou dans les hôpitaux demeuraient irrégulières et incomplètes. Dans ce désordre généralisé, la Croix-Rouge internationale tenta d’informer les familles en établissant un minimum de relations entre les gouvernements. Des agences d’initiative privée offrant leurs services aux familles virent le jour comme Les Nouvelles du soldat ou, plus tard, en 1921,  L’Echo de l’ossuaire Douaumont et  des Champs de Bataille de Verdun qui publia une liste de disparus, des avis de recherche, des témoignages.
BnF/Gallica
Bataille de la Somme : fosses creusées en prévision (juillet 1916)...
AFP / Frantz Adam
Exhumations d’une fosse commune
Ce rapatriement des corps vers les familles, qui demanda une organisation très rigoureuse en plusieurs étapes, s’avéra long et complexe :
-Etape 1 : acheminement du corps de son lieu d’inhumation vers une gare de regroupement
-Etape 2 : acheminement de la gare de regroupement vers une gare régulatrice
-Etape 3 : acheminement de la gare régulatrice vers une gare départementale
-Etape 4 : acheminement de la gare départementale vers une gare régionale
 

Au printemps 1921, les trains spéciaux de morts commencèrent donc à arriver un peu partout en France. Chaque wagon était recouvert d’une couche de sciure de bois arrosée de désinfectant. Mais une fois parvenus dans les gares, où s’effectuaient les changements de train, les compagnies de chemin de fer refusèrent de s’occuper des cercueils. Des civils furent alors appelés pour assurer le transport jusqu’au lieu d’inhumation. La tâche était immense d’autant qu’à chaque arrivée de train de nouveaux problèmes se posaient : là un cercueil brisé, ailleurs le nombre de cercueils attendus ne correspondait pas à ceux réceptionnés, etc. avec son lot d’erreurs d’identité…
Normalement, arrivés à la gare départementale, les convois étaient accueillis avec solennité. Mais là encore, de nombreux imprévus en privèrent plus d’un des honneurs programmés.
Finalement, le gouvernement renonça à sa promesse et toute demande de transfert reçue après le 15 février 1921 fut à la charge des familles et donc réservée à la minorité qui en avait les moyens.  En raison du transfert des corps inhumés dans l’ancienne zone de l’intérieur et à l’étranger, ces convois se succédèrent jusqu’en 1924.
Convois spéciaux pour le raptriment des corps
Malgré la complexité de l’organisation et ses aléas, des milliers de ré-inhumations furent possibles dans les cimetières communaux. En général, elles avaient lieu lors de cérémonies rigoureusement orchestrées par les autorités civiles et militaires de la commune.
En tout, 240.000 corps environ furent restitués. Mais le calvaire continua pour les familles qui ne possédaient pas déjà un caveau : l’Etat refusant de prendre en charge les frais des sépultures dans les cimetières civils, elles se tournèrent vers les communes qui leur accordèrent gratuitement un espace réservé au sein du cimetière local. Ainsi, existe-t-il en France 3200 carrés militaires (Première et Deuxième guerres mondiales confondues).
 
L’organisation de cette mise en place fut longue, très longue. A cela une bonne raison : la priorité était à la reconstruction et à l’aide aux victimes. Et les soldats d’attendre dans des cimetières provisoires entretenus le mieux possible par des associations comme le Souvenir français.
Une fois rapatriés dans un carré militaire spécifiquement dédié du cimetière communal, chaque tombe s’individualisa par un entourage, une croix, ou stèle en bois, des corbeilles ou couronnes de fleurs ou objets funéraires que les familles avaient l’autorisation d’apporter.
Cimetière de Troyes (Aube)
Bagneux : 1er novembre 1914
Archives-Cellule du Patrimoine des cimetières. Photo exposée au cimetière parisien d'Ivry © MCP
Carré militaire de la Première Guerre mondiale au cimetière parisien d’Ivry © MCP
Carré musulman de la Première Guerre mondiale au cimetière parisien d’Ivry © MCP
Dans un tel chaos, comment faire ? Impossible, dangereux, voire inutile de s’occuper des morts dont les cimetières provisoires près des tranchées pouvaient disparaître à tout moment dans un bombardement. Néanmoins, on tentait de s’organiser. Quand un corps était trouvé, les soldats le couchaient mains croisées sur la poitrine dans un linceul sombre, une toile de tente ou, à défaut, le laissaient dans son uniforme. Ils plaçaient une bouteille contenant ses papiers d’identité sur la fosse creusée en hâte, sur le sommet de la tranchée ou du trou d’obus qui formaient souvent des tombes naturelles. Après quelques mois de guerre, les Allemands ou les civils réquisitionnés se chargèrent plus couramment de la besogne. Parfois, les camarades, le ventre tenaillé par la peur, essayaient d’orner la tombe d’une croix fabriquée à l’aide de caisses de munitions, de fer blanc des emballages, etc. Dans l’urgence, on fit preuve d’une grande ingéniosité.
Mais ce foisonnement d’ornements, commencé dès 1914 avec les premiers morts qui avaient pu être rapatriés, incompatible avec l’entretien public de milliers de sépultures, dut être remplacé. En 1927, un agencement type avait été défini prévoyant des alignements de doubles tombes coupées par une allée centrale menant à un mât porte-drapeau où le drapeau national devait flotter en permanence. Dans les années 1930, l’idée fut reprise en l’adaptant à la structure du terrain et au nombre de défunts contenu dans le carré. C’est cet aménagement sobre et uniforme qui est toujours en vigueur de nos jours.
 
L’appartenance religieuse ou la conscience individuelle, quand elle est connue, se marque d’une croix latine, d’une étoile de David, d’une stèle musulmane, ou d’une inscription de libre penseur. Quand le terrain le permet, les tombes non-chrétiennes peuvent être à part, notamment les musulmanes afin de respecter l’orientation est-ouest vers La Mecque.
 
Les soldats y sont inhumés à titre perpétuel et sont qualifiés de « Morts pour la France ». L'entretien de ces sépultures militaires est assuré directement par l’État via les services de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerres (ONACVG) ou par les communes, le Souvenir français ou toute autre association.
Un des plus petits cimetières militaires français à Hermonville (Marne) sur le bord de la N14 où reposent 12 soldats français, dont 8 inconnus, tués aux combats de la Ferme de Luxembourg en septembre 1914. Créé dès 1914, il fut aménagé en 1922.
http://www.cndp.fr/crdp-reims/memoire/lieux/1GM_CA/cimetieres/francais/hermonville.htm
-uniquement avec un ossuaire
Nécropole de Chauconin-Neufmontiers (Seine-et-Marne) dépourvue de tombes. Parmi les 133 corps (morts aux combats de la bataille de l'Ourcq en septembre 1914) reposant dans l’ossuaire se trouve celui de Charles Péguy. © MCP
-avec des tombes et un ou plusieurs ossuaires
Nécropole de Somme-Suippe (Marne) reprenant stricto sensu l’agencement préconisé de 1927 avec les tombes dos à dos, de larges allées dont une principale menant au porte-drapeau. http://www.cndp.fr/crdp-reims/memoire/lieux/
Nécropole de Somme-Suippe (Marne) : 4 962 soldats français, dont 12 de la Deuxième Guerre mondiale, répartis entre tombes et trois ossuaires. Créée en 1915 lors de la bataille de Champagne elle a aussi accueilli des morts de celle du Chesne (juil.-oct. 1918). Aménagée de 1919 à 1934.
http://www.cndp.fr/crdp-reims/memoire/lieux/1GM_CA/cimetieres/francais/
Il est à noter que :
 
-le nombre de tombes est toujours inférieur au nombre de corps, ce qui implique que plusieurs peuvent être inhumés dans une même sépulture.
 
-des communes peuvent abriter plusieurs cimetières militaires français comme à Souain-Perthes-Lès-Hurlus (Marne) qui en compte quatre et un allemand.
 
-parmi de multiples singularismes, dans la nécropole « Le faubourg pavé », créée à Verdun en 1923, sont inhumés dans un même enclos les « sept non choisis » pour figurer comme Soldat Inconnu sous l’arc de triomphe de Paris.
Enclos des « sept non choisis
https://transvosges.wordpress.com/tag/cimetiere/
Douaumont : ossuaire et cimetière
 
Se substituant parfois à l’Etat, des associations, ou grandes sociétés, subventionnèrent la création de monuments. Tel est le cas du plus important ossuaire militaire français à Fleury-Devant-Douaumont (Meuse).
 
Commencée le 21 février 1916, la bataille de Verdun se termina en décembre après 300 jours de violents combats. Des milliers de corps déchiquetés, environ 300.000 soldats français et allemands furent portés disparus.
 
Aux premiers jours de l’armistice,  en parcourant l’ancien champ de bataille, l’évêque de Verdun, Monseigneur Ginisty, accompagné du général Valantin, gouverneur de la ville, remarqua de nombreux ossements de soldats auxquels, il décida de donner une sépulture décente où les familles pourraient venir se recueillir. Grâce à divers dons venus du monde entier, le projet put voir le jour.  Une fois les deux premières pierres scellées le 20 août 1920 par le maréchal Pétain, président d’honneur du Comité de l’Ossuaire, et Mgr Ginestry, le trio  d’architectes retenu, Léon Azéma , Max Edrei et Jacques Hardy, se mit à l’œuvre en 1923.
En attendant, dès 1919, une baraque en planches fit office d’ossuaire provisoire, permettant de rassembler les ossements recueillis dans les différents secteurs du champ de bataille.
Ossuaire provisoire devant lequel trônait la Vierge de la Résignation,
œuvre de Berthe Girardet (1861-1948)
https://verdun-meuse.fr/index.php?qs=fr
Construction de l'ossuaire
Intérieur de l'ossuaire provisoire.  
https://verdun-meuse.fr/index.php?qs=fr
Le 17 septembre 1927 eut lieu le transfert solennel de l'ossuaire provisoire à l’ossuaire définitif des 52 cercueils représentant les différents secteurs de la bataille de Verdun.
Le monument fut inauguré le 7août 1932 par le président Albert Lebrun en présence d’une foule immense d'anciens combattants, de dignitaires et de familles de morts et de disparus.
1927 : transfert de 52 cercueils de l'ossuaire provisoire au définitif
1932 : inuaguration officielle du monument
S’inspirant de l’art roman, l’ossuaire consiste en un bâtiment horizontal de plus de 130 mètres de long avec, au milieu, une tour haute de 46 mètres, également appelée « lanterne des morts », qui offre une vue panoramique sur la nécropole et les champs de batailles avec une table d'orientation.
130.000 soldats inconnus, tant français qu’allemands, y reposent renfermés dans un cloître de 137 mètres de long répartis dans 46 tombeaux surplombant des fosses. Ils correspondent à 46 secteurs du champ de bataille auxquels s’ajoutent des ossements recueillis dans deux secteurs les plus éloignés faisant que 52 secteurs sont en fait représentés, d'où les 52 cercueils symboliquement transférés en 1927. Chaque pierre gravée représente le nom d’un soldat disparu.
Au pied de l'escalier d'honneur, est inhumée depuis 1948, la dépouille du général François Anselin.
© Site officiel de l’ossuaire de Douaumont
© Site officiel de l’ossuaire de Douaumont
Le cimetière militaire
Dominé par l’ossuaire, une fois son emplacement déterminé, dès 1923, le Service des Sépultures de guerre, avec le concours du génie de Metz, entreprit le nivellement du terrain de plusieurs hectares où d'importants travaux de déblaiement furent réalisés pour récupérer le matériel abandonné, obus, etc. Inaugurée le 23 juin 1929 par le président Gaston Doumergue, la nécropole regroupe les corps 16.142 soldats (dont 6 du conflit 39-45) provenant de plusieurs cimetières militaires du département de la Meuse ou relevés sur le champ de bataille.
© Site officiel de l’ossuaire de Douaumont
A ce terrible bilan, faut-il rajouter le drame des « fusillés pour l’exemple », condamnés à mort avec ou sans jugement pour refus d’obéissance, mutilations volontaires, désertion, abandon de poste devant l’ennemi, délit de lâcheté ou mutinerie, notamment celle de 1917 provoquée par l’entêtement de Robert Nivelle à poursuivre une véritable boucherie, indifférent au désespoir des hommes.
 
L’après-guerre, un interminable enterrement qui dura un peu plus de vingt ans...
 
Le 11 novembre 1918, au moment de l’armistice, sur le 1,5 million de morts le nombre d’identifiés n’atteignait pas un quart ! Des familles désespérées avancèrent l’idée d’une gigantesque fouille. En réponse, le gouvernement se montra catégorique : c’est l’Etat qui avait en charge la mémoire et l’histoire de la nation et c’était à lui de s’en occuper. Il faut dire que les risques de confusions entre deux corps étaient bien trop grands comme l’étaient ceux de révoltes face à des visions d’horreur.
 
Faute de moyens et/ou à cause d’une organisation relevant de l’amateurisme, la recherche officielle des corps prit des années. Ainsi, comme en témoigna, dans l’Almanach du combattant, le journaliste Emmanuel Bourcier (1880-1955) enquêtant sur la façon de procéder, dans toute la Meuse, ils n’étaient que cinq employés à l’état civil, aidés bénévolement par d’anciens combattants, pour retrouver les corps. Ce qui restait des morts était le plus souvent repéré grâce aux anciennes planches dressées ou grâce à l’aide des sangliers venus déterrer des champignons sous les cadavres qu’ils faisaient bouler, la pluie qui en ravinant le terrain faisait apparaître des ossements. Ceux-ci étaient alors ramenés au dépôt mortuaire à Avocourt ou à Douaumont. Si le corps était identifié, la famille était prévenue et disposait de trois mois pour le récupérer. Son récit fit sensation, pour le moins …
Seul le hasard permit la découverte de Roland Garros, de Charles Péguy, ou encore du fils de Rudyard Kipling, John Kipling (1897-1915) à Sainte-Mary’ADS, dont la tombe ne fut formellement identifiée qu'en 1991, etc.
 
Entre 1929 et 1935, date de la fin des recherches officielles, près de 100.000 corps français furent localisés auxquels se rajoutèrent les 12.000 prisonniers de guerre morts en captivité et rapatriés d’Allemagne. Pour les familles dont le proche n’avait pas été retrouvé, le défunt était déclaré présumé reposer dans l’ossuaire le plus proche de son lieu de décès.
 
De nos jours, seul le hasard peut  faire remonter à la surface des corps enfouis dans la terre depuis si longtemps. Ainsi en 2015, des travaux pour la construction d’un lotissement à Boult-sur-Suippe (Marne) mirent à jour un cimetière de fortune allemand contenant 527 corps. Une découverte unique et majeure en France.
Personnalités mortes à l'ennemi durant la Grande Guerre et toujours inhumées dans une nécropole militaire française
 
►AIMÉ Ernest (1858 - 6 septembre 1916)
Cimetière militaire de Dugny-sur-Meuse (Meuse)
 
Enfant de troupe puis soldat (1876), il fit campagne en Afrique avant de se réengager pour cinq ans (1881).  Sorti de l'École militaire d'infanterie à Saint-Maixent-l'École (1883) , il intégra le 28e bataillon de chasseurs à pied (BCP) en qualité de sous-lieutenant puis celui du 19e BCP de Troyes comme lieutenant. S’élevant dans les grades, lieutenant-colonel au 3e régiment de zouaves à Sathonay-Camp (1909-1910), il commanda l'École militaire d'infanterie de Saint-Maixent-l'École (1911-1913). Promu colonel, il prit  prend le commandement du 79e régiment d'infanterie à Nancy. Mobilisé le 2 août 1914 à la tête de son  régiment qui intégra la 11e division d'infanterie, il fut engagé dans la bataille de Morhange et du Grand-Couronné puis dans la bataille de Picardie. Général de brigade (déc. 1914), il prit le commandement de la 67e division d'infanterie (août 1915). Dès le début de la bataille de Verdun en 1916, sa brillante conduite lui valut d’être cité à l'ordre de l'Armée. Il fut tué par un éclat d'obus alors qu’il se rendait à la batterie est du fort de Souville à Fleury-devant-Douaumont pour soutenir le moral de ses troupes sur le point de donner l'assaut. Il repose parmi 1836 hommes morts dans les combats de Verdun.
Nécropole militaire de Dugny-sur-Meuse
https://www.geneanet.org/
►ANSELIN Ernest (1861 – 24 octobre 1916)
Cimetière militaire de Fleury-Devant-Douaumont (Meuse)
Sorti de l'École spéciale militaire de Saint-Cyr (1882), il choisit la cavalerie, fit campagne en Algérie avant d’intégrer l'École supérieure de guerre (1890). Très bien noté, d'une promotion suivant l’autre, il devint le directeur de l'École d'application de la cavalerie (1913), poste qu'il occupa en parallèle avec d’autres : commandant du 23e régiment de dragons, membre de l'état major particulier du ministre de la Guerre, membre de l'état major général de l'armée. Général de brigade, il exerçait toujours comme directeur de la cavalerie lorsque la guerre éclata.
Ne souhaitant pas rester au ministère alors que le conflit faisait rage, il demanda à être affecté à une unité combattante, et prit le commandement de la 214e brigade d'infanterie de la 133e division du général Passaga (juil. 1916).
Il fut tué par un éclat d'obus à la poudrière de Fleury-Devant-Douaumont pendant la préparation de l'attaque sur le fort de Douaumont lors de la bataille de Verdun. Inhumé aussitôt à proximité, juste à côté du futur ossuaire provisoire de Douaumont, reconnu « mort pour la France », ses restes mortels furent transférés en 1948 au cimetière militaire de Douaumont, où sa tombe se trouve au pied de l’escalier d’honneur menant du cimetière à l’ossuaire.
Tombe d'Ernest Anselin à droite de l'image © BnF/Gallica
Sa nouvelle sépulture encadrée de pare-terres végétaux © Seb1987
►BOURGUET Samuel (1864 - 25 septembre 1915)
Cimetière de Laval-sur-Tourbe (Marne)
Illustre inconnu du grand public, il appartient pourtant à ces officiers dont l’action fut grandement saluée, notamment par Mac-Mahon qui écrivit quelques temps plus tard que cela avait sans doute été là l'un des plus beaux faits d'armes de tout le début de la guerre. Fait Chevalier de la Légion d’honneur (1907), chef d’escadron d’artillerie et d’état-major de la 6e Division d’infanterie, désigné comme membre de la délégation militaire au Pérou (1913), il rentra en France à la déclaration de guerre.
Lieutenant-colonel à la tête du 116e RI, composé majoritairement de bretons dont il avait su se faire adopter, il mena à toute allure un assaut permettant de reprendre du terrain perdu, la butte de Tahure, au nord de Perthes-les-Hurlus et de s’y maintenir les jours suivants en compagnie des autres régiments bretons.
Amère victoire au prix d’héroïques sacrifices puisqu’en dix jours elle coûta la vie à 43% de son effectif, lui-même était mort de plusieurs balles au ventre au premier jour de l’offensive.
Inhumé au camp militaire de Suippes (Marne), sa dépouille fut transférée au cimetière militaire de Laval-sur-Tourbe en 1989.
© Galichon
►CASTELNAU Joseph Xavier de Curières de (1893 - 20 août 1914)
Cimetière militaire de  Riche (Moselle)
Fils du général de Castelnau (1851-1944), il intégra l’Ecole militaire de Saint-Cyr en 1914 mais, en raison de la déclaration de guerre, en sortit la même année pour rejoindre le 4e bataillon de chasseurs à pied. Malheureusement, il fut tué moins d’un mois plus tard.  Ayant pris le commandement de sa compagnie, il tint tête à l’ennemi pendant cinq  heures et mourut  à Morhange (Moselle) au moment où il venait de le rejeter en arrière par une vigoureuse contre-attaque. Il repose dans la nécropole militaire  de  Riche qui regroupe, entre autres, les soldats de son bataillon morts comme lui  lors de la contre-offensive allemande du 20 août 1914).
© YouTube
►DRIANT Emile
 
►DUCHESNE Eugène Henri (1861 -  3 décembre 1914).
Carré militaire du cimetière communal de Plainfaing (Vosges)
 
En  août 1914, le 215e RI de réserve d’Albi embarqua par train à destination de Belfort. A la tête de son bataillon, le  commandant Duchesne. Après de violents combats et de nombreux morts à Didenheim cinq jours plus tard, direction les Vosges et le col du Bonhomme, au lieu-dit  la Tête de Faux, considéré comme stratégique car il formait pour l'ennemi un point d'appui important et un observatoire de tout premier ordre. Duchesne tomba lors de l’attaque lancée le 2 décembre pour enlever ce massif aux Allemands. Au prix de grands sacrifices humains des deux côtés, les Français restèrent maîtres de la position jusqu’à la fin de la guerre. Mais, entre temps, les escarmouches entre patrouilles, les duels d’artillerie et de grenades ayant remplacé les actions de grande envergure, les deux camps continuèrent à se faire face  en poursuivant des travaux d’aménagement et de renforcement des défenses.
Son nom a été donné à la nécropole militaire nationale « Le carrefour Duchesne » à Orbey (Haut-Rhin), MAIS contrairement à ce qui est souvent indiqué, il n’y repose pas. Il fut inhumé à une vingtaine kms de là, au cimetière communal de Plainfaing où la date de décès sur sa tombe est est erronée (2 déc.au lieu du 3)
►MURAT Louis, prince (1896 - 21 août 1916)
Lihons (Somme)
http://www.dengrootenoorlog.nl/NL/vogezen2017%2031.htm
© APictche
►SEEGER Alan (1888 - 4 juillet 1916)
Probablement le cimetière militaire de Lihons (Somme)
Jeune écrivain et poète américain, il découvrit Paris en 1912. Epris de la Ville, il s’y installa et y rédigea des articles pour Le Mercure de France et divers journaux américains ou européens ainsi que des poèmes dont son plus célèbre Rendez-vous avec la mort (I have a rendezvous with Death) que lui inspira son service sous les armes et les rigueurs de la guerre et l’un des préférés du président John F. Kennedy. Au début de la guerre, il défila en brandissant la bannière étoilée à la tête des Américains de Paris qui avaient alors décidé de se battre aux côtés du pays qui les avait accueillis.
Le 24 août, il s’engagea dans la Légion étrangère, au 2e régiment de marche du 2e étranger à Toulouse. Après avoir combattu notamment lors de la bataille de la Marne, puis en Haute-Saône et en Champagne, il tomba malade et fut hospitalisé avant de rejoindre le front.  
Il trouva la mort le premier jour de l’attaque, lors de l’engament de son régiment dans les combats de la Somme devant Belloy-en-Santerre. C’était un 4 juillet, jour de la fête nationale américaine. Dans les jours qui suivirent le cimetière de Belloy en Santerre, où il fut inhumé, fut l’objet d’un large emploi d'obus spéciaux qui détruisirent de nombreuses sépultures dont la sienne.
En 1919, lors du regroupement dans le cimetière de Lihons de corps venant plusieurs cimetières provisoires, bien que le sien n’ait jamais pu être identifié avec certitude, il est probable que parmi tous les ossements retrouvés les siens y aient également été transférés et déposés dans l’ossuaire n°1 comme le précise une plaque commémorative à l’entrée de la nécropole.
http://bastien80.e-monsite.com/pages/album-photo/hommage-a-alan-seeger.html
►SERRET Marcel (1867 - 6 janvier 1916)
Cimetière militaire de Moosch (Haut-Rhin)
Issu de l'École militaire de Saint-Cyr, puis breveté de l’Ecole de guerre, il intégra les chasseurs à pied avant d’être mis hors-cadre pour être détaché comme officier d'ordonnance du ministère de la Guerre (1898). Promu chef de bataillon au 35e régiment d'infanterie (1906), commandant  du 17e bataillon de chasseurs à pied à Rambervillers (1908), il  fut nommé attaché militaire et commandant les services de renseignements militaires depuis l'ambassade de France en Allemagne (1912).
Rentré  en France au début de la guerre, il prit le commandement d'un groupe de trois bataillons de chasseurs, fut promu colonel et chef d’état major du 1er corps d’armée et rejoignit les troupes françaises qui combattaient dans le massif de l’Hartmannswillerkopf (Vosges) où, nommé général de brigade, il prit le commandement par intérim de la 66e DI.
Pris sous un déluge d’obus alors qu’il revenait d’une visite de positions, il fut grièvement blessé à la jambe qu’on dut amputer. Il mourut huit jours plus tard. Le roi d’Italie Victor-Emmanuel II et le président Raymond Poincaré, en visite à l’hôpital de Moosch, vinrent s’incliner sur sa dépouille. Ses obsèques eurent lieu le 8 janvier au cimetière militaire de Moosch où rien ne distingue sa tombe de celles des autres soldats.
Nécropole militaire de Moosch
© Georges Simon
http://www.paysages-et-sites-de-memoire.fr/site/moosch/
►THIBAUT Philippe († 26 septembre 1916)
Cimetière de « la Côte 80 » à Etinehem (Somme)
https://forum.pages14-18.com/viewtopic.php?t=31589
►WAETERMEULEN Henri van (1862 - 16 juillet 1918)
Cimetière militaire de Sept-Saulx (Marne)
Nécropole militaire de Sept-Saulx
© G. Garitan
© G. Garitan
►WITTE Gontran de (1881 - 29 juin 1917)
Cimetière militaire de Dombasle-en-Argonne (Meuse)
 
Peintre, caricaturiste, jardiniste, fils de général, et lui-même officier de cavalerie, il était lieutenant au 24e régiment de Dragons. Il mourut à la côte 304 au nord à Esnes et fut inhumé dans le cimetière de Dombasles-en-Argonne, dit « Bois de Bethelainville », où son père, avec le concours du 24e Dragons et de toutes les familles des victimes, fit ériger en haut de la nécropole un monument à la mémoire de son fils et de huit de ses compagnons d'armes tombés le même jour, et devant lequel sont regroupées leurs tombes.
Nécropole de Dombasle-en-Argonne
© Aimelaime
« Carré des Dragons »
http://artois1418.skyrock.com/373.html
PREMIÈRE GUERRE MONDIALE : SÉPULTURES DES POILUS DANS LES NÉCROPOLES NATIONALES OU LES CIMETIÈRES COMMUNAUX - un interminable enterrement...
2 février 2018
Arrière-arrière-petit-fils de Joachim Murat et arrière-arrière-petit-neveu de Napoléon Ier par sa sœur Caroline Bonaparte, engagé volontaire (1916) il intégra le 5e régiment de cuirassiers à pied comme maréchal des logis. Le 17 août 1916 au soir, son régiment, embarqué par camions, monta au front dans le secteur du village de Lihons en pleine bataille de la Somme, l'une des plus sanglantes de la Grande Guerre où il fut tué trois jours après son arrivée. Inhumé à l’emplacement de son décès, depuis sa famille lui a érigé un monument situé dans un parc boisé à la sortie du village, offert à la commune en 1961.
Coiffé d'un aigle et orné d'un médaillon,  on peut y lire cette épitaphe :
"A cette place, où il a été tué, repose Louis Marie Michel Joachim Napoléon Prince Murat, né à Rocovencourt, Seine-et-Oise, le 8 septembre 1896, engagé volontaire, maréchal des logis au 5ème régiment de cuirassiers à pied, mort pour la France le 21 août 1916, petit-neveu de Napoléon 1er, petit-fils de : Joachim Murat, engagé volontaire, Maréchal de France, Prince et Grand Amiral de l'Empire Français, Grand Duc de Berc et de Cleves, Roi de Naples, a commandé en chef la Grande Armée ; de Michel Ney, engagé volontaire, Maréchal de France, Duc d'Elchingen, Prince de la Moskova, le Brave des Braves ; et d'Alexandre Berthier, Maréchal de France, Prince de Wagram, Prince souverain de Neuchatel et de Valengin, Major Général de la Drande Armée. Comme eux, il a servi sa patrie".
Nécropole de la « Côte 80 »
http://www.picardie1418.com/
Autant animé par la foi que par un patriotisme fervent, son service militaire qu’il effectua près du séminaire qu’il fréquentait, vit sa vocation se dessiner : il serait aumônier des armées. Peu après son ordination, il fut chargé de l’œuvre militaire à Cambrai qui comptait deux régiments : le 1er RI et le 4e Cuirassiers. Parallèlement, il consacrait une grande partie de son temps et de ses maigres moyens financiers à soulager les plus malades et les plus nécessiteux de l’hôpital militaire.
Au début de la guerre, surmontant les plus grandes difficultés pour se faire admettre comme aumônier du 1er RI, l’abbé rejoignit le régiment sur le théâtre des opérations où, au péril de tous les risques, il ne cessa de se  dévouer corps et âme auprès des vivants, des blessé ou des morts pour leur donner une sépulture décente.
Refusant de quitter le régiment pour un poste moins exposé, il fut mortellement blessé à Frégicourt (Somme). Inhumé au cimetière militaire de la « Côte 80 » à Etinehem, un monument a remplacé la simple sépulture d’origine.
Sources principales :
La rédaction de cet article est largement inspirée de l’ouvrage Guide des cimetières militaires en France de Catherine Grive-Santini –Ed. du Cherche-Midi (1999)
 
Principaux sites et blogs consultés :
-Ministère de la Défense Guide d’information sur les sépultures de guerre http://centenaire.org/sites/default/files/references-files/les_sepultures_de_guerre_-_guide_.pdf
-Mémoire et Patrimoine http://www.defense.gouv.fr/memoire/memoire/sepultures-et-monuments-aux-morts/les-sepultures-de-guerre
-Site officiel de Douaumont : ossuaire et cimetière http://www.verdun-douaumont.com/ossuaire-de-douaumont/
-https://forum.pages14-18.com/viewtopic.php?f=20&t=34977&start=0
-http://chtimiste.com/batailles1418/1915champagne2.htm
-http://www.exponaute.com/magazine/2016/03/03/dans-la-marne-3500-objets-datant-de-la-premiere-guerre-mondiale-retrouves-par-des-archeologues/
-https://www.geneanet.org/
-http://edu.museedelagrandeguerre.eu/type-de-ressources/document
-http://sepulturesdespoilus.e-monsite.com/blog/le-transfert-des-corps-des-militaires-de-la-grande-guerre.html
-http://grandeguerre1418.canalblog.com/archives/2016/04/30/33739710.html
-https://www.lieux-insolites.fr/cicatrice/14-18/tdf/tdf.htm
-http://www.paysages-et-sites-de-memoire.fr/site/la-tete-des-faux/
-http://www.cheminsdememoire.gouv.fr/fr/la-necropole-nationale-et-lossuaire-de-douaumont
-https://guerreshistoire.science-et-vie.com/militaria/le-cimetiere-allemand-de-boult-sur-suippe-1063
-http://1ri.lafleurus.free.fr/articles.php?lng=fr&pg=146
(*) commentaire(s)
Les nécropoles militaires nationales proprement dites
 
Bien que décidée en 1915, la mise en place des nécropoles nationales que nous connaissons fut aussi très longue malgré les bonnes volontés et la pression des associations d’anciens combattants. Tout en reconstruisant les régions détruites, le pays, ruiné, devait affronter de lourdes charges financières pour venir en aides aux mutilés, aux veuves, aux orphelins.
 
Sauf erreur ou omission de ma part, outre les carrés militaires dans les cimetières communaux, la France compte 277 nécropoles nationales spécifiquement dédiées aux soldats français toutes guerres confondues, y compris la guerre de Crimée à Cannes, et celle d’Indochine à Fréjus créée en 1987 pour les soldats exhumés et rapatriés.
 
Mais, de par sa durée sur notre territoire et la violence de ses combats, la Grande Guerre est de très loin la plus représentée avec 139 nécropoles « guerre 14-18 » et 110 portant la double appellation « 14-18 et 39-45 », sachant qu’à deux exceptions près (Cambronne-Lès-Ribécourt, Montauville), celles-ci sont occupées à une écrasante majorité par les morts de 14-18 (la présence d’un seul mort de 39-45 peut justifier sa double appellation). A noter également, deux autres nécropoles (Metz et Sainte-Anne d’Auray) qui regroupent des soldats des Première et Deuxième guerres mondiales et de la guerre de 1870.
 
Au total, plus de 817.000 poilus reposent dans des cimetières militaires concentrés près des principales zones de combats : Picardie, Champagne-Ardenne, Lorraine et Alsace. Partageant leur sort, un nombre très variable de soldats d’autres nationalités y sont également inhumés : russes, belges, roumains, polonais, tchèques, serbes, grecs, bulgares, italiens. Mais aussi des américains, britanniques et allemands que les circonstances n’ont pas permis d’être inhumés dans les nécropoles situées en France et dédiées à leur nation.
 
Au terme générique « nécropole », on a tendance à associer de grands espaces. Erreur, car leurs tailles varient en fonction du nombre de morts qu’elles abritent. Mais de la plus petite (Bois Morchée dans la Meuse), qui ne comprend que 7 soldats inconnus, à la plus importante, l’ossuaire et nécropole de Douaumont,  toutes s’intègrent dans l’agencement type prévu en 1927  dans la sobre scénographie du lieu : alignement des tombes portant l’identité, le régiment, la date de décès du défunt quand cela est connu et la mention « Mort pour la France » pour les soldats français ; sauf modeste bouquet de fleurs interdiction de distinguer une sépulture d’une autre ; un mât porte-drapeau où le drapeau national doit flotter en permanence ; un monument commémoratif fédérateur ou portant le noms des morts regroupés dans un ossuaire en l’absence de tombes. La sobriété et l’économie de signes en imposent.
Avec le temps, des panneaux informatifs sont venus compléter l’ensemble pour rappeler le contexte historique de la création de ces cimetières particuliers, dont l’aménagement s’est fait soit directement par la suite sur le cimetière provisoire d’origine, soit après  transfert dans une nécropole regroupant les morts essaimés d’une bataille. Ils peuvent présenter  trois configurations :
 
-uniquement avec des tombes
Cimetière allemand de Boult-sur-Suippe
© Denis Glicksman, Inrap
Le pénible rapatriement auprès des familles, la mise en place des carrés militaires dans les cimetières communaux et des nécropoles nationales
 
Devant l’ampleur jamais égalée de ces massacres, les politiques se rendirent à l’évidence : des cimetières nationaux devaient accueillir ces soldats morts pour la France. La communauté nationale se substituait à la famille et la solidarité de ceux qui avait combattu ensemble primait sur celle des familles.
Les choses ne se firent pas sans heurt. Si beaucoup de civils partageaient l’initiative de l’Etat, d’autres se révoltèrent invoquant le droit aux soldats de « redevenir des civils » et, refusant « ces casernes éternelles », demandaient d’avoir le choix entre le cimetière civil et le cimetière militaire. Il s’agissait de ne plus penser collectivement mais faire exister le citoyen individuel. Louis Barthou, alors député des Basses-Pyrénées, voulait inhumer son fils, mort dans les premiers jours de 1914, dans la sépulture familiale du Père-Lachaise. Paul Doumer, qui avait perdu quatre fils, dont un en 1923 des suites des gazages, tenta vainement de le persuader du contraire. Chacun avec ses arguments poignants, les deux camps s’affrontèrent et les débats sur la privatisation ou la nationalisation des tombes se prolongèrent.
 
Intermédiaires sans scrupule : corps incomplets ou mélangés…
En attendant, afin de réduire les erreurs d’identification et le nombre des disparus, tout transport de corps fut interdit. Mais, trop meurtries par des pertes de parfois plusieurs fils, et lasses d’attendre, des familles organisèrent des exhumations sauvages dans les cimetières provisoires.
Toutes ces tragédies favorisèrent la création d’intermédiaires  douteux qui, moyennant larges finances, se chargèrent de l’exhumation et du rapatriement des corps de façon illicite. A l’absence de compétence, leur manque de scrupules, motivé par un appétit du gain sans limite, dépassa l'imaginable : exhumées en général rapidement et sans trop de précautions en pleine nuit, les dépouilles n'étaient parfois  pas complètes. Qu'importe ! Les familles voulaient un corps, tant pis si ce n'était pas le bon ou si les restes étaient mélangés avec celui du voisin pour en livrer un complet !  Comble du cynisme, il arriva que les moins scrupuleux des entrepreneurs ou de leurs hommes de main ajoutent du sable dans les cercueils pour faire le poids.
Ne pouvant tolérer davantage la situation, le gouvernement ouvrit le droit à la restitution des corps aux frais de l’Etat le 31 juillet 1920.  Ce qui n’empêcha pas les intermédiaires de continuer, jusqu’à l’année suivante, de profiter du désespoir des familles.
Les bières étaient fournies par l’Etat. Par souci d’égalité devant la mort mais aussi en vue de ne pas augmenter les dépenses, elles étaient très simples, identiques et dépourvues de toute ornementation. A la charge des familles de fournir des cercueils autres que le modèle imposé qui devaient impérativement être sur place au moment de l’exhumation, sinon c’était l’ordinaire. Mais de nombreuses familles ne reçurent pas l’avis d’exhumation en temps voulu : un nouveau drame.
La malfaçon des cercueils
Autre problème, celui de la malfaçon des cercueils qui ne résultait pas uniquement de la mauvaise volonté des entrepreneurs désireux de réaliser des bénéfices en rognant sur la qualité de la marchandise. Elle était aussi le reflet de la mauvaise qualité des matériaux. Fabriqués rapidement en grand nombre et dans l’urgence, les stocks de bois  n’avaient pas le temps de sécher. Entreposés dans des gares de triage et des dépositoires, exposés à des températures variables, ils se déformaient et les fonds pouvaient se briser après quelques manipulations, laissant le corps au sol.
 
C’est en bonne partie ces évènements, ainsi que l’installation des monuments aux morts,  qui inspirèrent à Pierre Lemaitre son magnifique roman Au revoir là-haut (2013) porté à l’écran par Albert Dupontel (2017).
Amman, puis le Tonkin et retour en France où il fut promu colonel en 1914 pour bonne conduite sous le feu.  Il reçut le commandement de l''Infanterie Divisionnaire de la 163è DI. Il prit part à toutes les opérations françaises importantes dans les deux premières années de la guerre, incluant l'offensive à Neufchâteau , la Bataille des Ardennes, au Bois Rossignol, la Première Bataille de la Marne, la deuxième offensive à Verdun,   les contre-attaques à Belloy et Lataule, etc.
 
Durant sda carrière, à différentes reprises, il avait refusé alors qu'il était blessé. Son courage lui avait valu la Croix de Guerre et nommé officier de la Légion d'honneur. Mais, blessé par un éclat d'obus le 10 juillet 1918, il mourut six jours plus tard  dans une ambulance sur la commune de La Veuve (Marne)
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TOMBES SÉPULTURES DANS LES CIMETIÈRES ET AUTRES LIEUX
par Marie-Christine Pénin
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